Roxane van Heurck – PHD at IRIBHM (FNRS)- Research in Genetics of Neurodevelopment
Mon projet a pour but de participer à l’élucidation d’une des questions les plus fascinantes en biologie, à savoir les mécanismes du développement et de l’évolution du cerveau humain, et en particulier du cortex cérébral. Cette question a également des implications importantes en médecine.
En effet de nombreuses maladies neurologiques, développementales mais aussi dégénératives, touchent spécifiquement et parfois exclusivement le cerveau de notre espèce, et sont donc d’autant plus difficiles à étudier, voire guérir.
Par rapport aux autres hominidés (grands singes), le cortex cérébral humain se caractérise par une plus grande taille relative, ainsi qu’une plus grande complexité. Ces caractéristiques se traduisent au niveau cellulaire par un plus grand nombre de neurones corticaux, ainsi qu’une plus grande diversité de sous-types neuronaux peuplant les diverses couches et aires corticales. De façon frappante, ces changements importants sont apparus assez récemment au cours de l’évolution de l’espèce (derniers millions d’années).
Plusieurs hypothèses concernant les mécanismes ayant amené à ces modifications architecturales ont été proposées. Toutes convergent vers la notion que ces caractéristiques spécifiques trouvent leur origine dans la neurogenèse corticale, c’est à dire la génération et la spécification des neurones corticaux au cours du développement embryonnaire, mais les mécanismes moléculaires et cellulaires sous-jacents restent essentiellement spéculatifs.
Au cours de ces dernières années, des études de comparaison des génomes ont pu mettre en évidence une série de gènes spécifiques à la lignée des hominidés (HS), qui pour la plupart n’ont pas encore de fonction connue. La plupart de ces nouveaux gènes sont apparus au cours de l’évolution par duplication de segments entiers du génome, les gènes dupliqués fournissant un riche substrat potentiel à une évolution structurelle et/ou fonctionnelle. De façon intrigante, ces régions dupliquées sont aussi la cible de variations individuelles (en particulier des copy number variants ou CNV) parfois associées à des pathologies, en particulier neurodéveloppementales.
L’hypothèse que je teste lors de ma thèse s’inscrit dans ce contexte: on peut supposer que certaines caractéristiques propres au développement cérébral humain, et en particulier la genèse et la différenciation des neurones corticaux, pourraient être au moins en partie liées à l’émergence des gènes HS.
La famille de gènes HS candidats que j’étudie sont CROCC et CROCCP2, qui ont été retenus selon deux critères. D’une part des données non publiées du laboratoire indiquent qu’ils sont exprimés au cours du développement du cortex cérébral humain (en particulier dans les progéniteurs corticaux et certains neurones immatures). En outre, ces gènes se localisent tous dans une région chromosomique (1p36), dont les délétions
sont associées à un faciès particulier, une microcéphalie, de l’épilepsie, des malformations cardiaques et des troubles de l’apprentissage. Le but de mon travail est donc de déterminer la fonction de ces gènes dans la corticogenèse, tenter de les relier à l’évolution du cortex, ainsi qu’aux contextes pathologiques.
Pour ce faire, mon projet est orienté selon deux axes de travail :
1/ L’étude fonctionnelle par perte de fonction des gènes HS dans un modèle de corticogenèse humaine a partir de cellules souches embryonnaires.
Mon laboratoire d’accueil a récemment mis au point un modèle in vitro de corticogénèse à partir de cellules souches pluripotentes embryonnaires (CSE) de souris mais aussi humaines. Ce système in vitro permet de récapituler les étapes essentielles du développement cortical, y compris la genèse séquentielle de neurones pyramidaux des six couches corticales. En outre il permet de modéliser certaines différences temporelles spécifiques du développement cortical humain, notamment une phase importante d’amplification des progéniteurs corticaux, une période prolongée de neurogenèse, et une maturation lente des neurones pyramidaux. La fonction du gène est explorée par perte de fonction. Le développement neuronal des cellules dont le gène d’intérêt a été inactivé est comparé à celui de cellules contrôle selon les paramètres essentiels de la neurogenèse.
Les caractéristiques les plus importantes de la neurogénèse corticale sont ainsi explorées grâce au modèle cellulaire in vitro.
2/ L’étude fonctionnelle par gain de fonction des gènes HS dans le cortex embryonnaire chez la souris.
Le rôle potentiel de ces gènes HS est également étudié dans un contexte non hominidé à savoir le développement cérébral de la souris. Cette technique permet de transfecter efficacement des progéniteurs corticaux, puis d’étudier la neurogenèse, la migration ou la morphogenèse des neurones corticaux in vivo, en utilisant des marqueurs spécifiques et en analysant la position et la morphologie des neurones transfectés exprimant une protéine fluorescente.
Ces deux axes sont complémentaire pour l’étude fonctionnelle de ces gènes HS et permettre de
comprendre et leur lien avec l’évolution.
Il peut sembler difficile de prime abord de voir dans ces travaux un bénéfice concret pour la pratique médicale.
Cependant les gènes HS sont impliqués dans plusieurs pathlogies neurologiques encore mal connues (micro-macrocéphalies / autisme) et leur étude pourrait contribuer à améliorer les connaissances physiopathologiques de ces conditions, préalabale indispensable au design de nouveaux outils diagnostiques ou thérapeutiques.
En outre, ce projet me permet de me pencher sur un sujet qui me passionne et qui ouvre de nombreuses perspectives d’avenir.